Marie-France VERNIER

5 min.

16 décembre 2021

Les experts de l’ESDES Lyon Business School sont regroupés au sein de l’Institute Of Sustainable Business and Organizations (ISBO). Leurs travaux de recherche portent tous sur les enjeux du management responsable sous le prisme de la responsabilité sociétale des entreprises, de la finance et gouvernance des organisations, de l’économie et du management des innovations durables, perspectives du consommateur et du marché.

 

Sortir de la crise COVID est une question majeure pour nos gouvernements, mais il faut la penser en tenant compte du changement climatique. En France, le gouvernement a donc lancé en septembre 2020 un plan de relance de 100 milliards d’euro pour « redresser l’économie et faire la France de demain », fondé sur l’écologie, la compétitivité et la cohésion. Et 30 milliards sont consacrés à la transition écologique. Mais pour sortir du modèle économique actuel où production et consommation riment avec pollution, ce n’est pas qu’une question d’argent. Nos modes de pensées et de conception doivent changer pour sortir des limites de notre modèle économique fondé sur la croissance économique, la destruction de nos ressources et la pollution.

 

Convertir nos modes de production

Il faut réfléchir à la conversion de nos modes de production (mais aussi de consommation) pour réduire l’impact négatif sur la planète de façon pérenne et changer de changer de regard dans la production de produits ou de services. Comment faire ? En cumulant innovation et effort pour l’environnement. La question porte sur la capacité des acteurs économiques à changer de posture pour mettre l’environnement au premier plan ou du moins au même niveau que les performances économiques.

La solution peut être les innovations environnementales, définies comme « la production, assimilation ou exploitation d’un produit, d’un processus de production, d’un service ou méthode de management ou d’affaires qui est nouvelle pour l’organisation (qui le développe ou l’adopte) et qui permet, sur toute la durée de vie du produit, la réduction du risque environnemental, de la pollution et d’autres effets négatifs liés à l’utilisation des ressources (dont l’énergie) par rapport à des alternatives comparables (Kemp et Pontoglio, 2007). Ces innovations prennent différentes formes. Elles peuvent être ciblées sur un aspect du produit (emploi de contenant en plastique recyclé ou diminution de l’énergie nécessaire à sa production ou changement du mode de transport des intrants). Elles peuvent aussi être élargies à plusieurs étapes du cycle de vie du produit ou du service, l’approche devient alors celle du cycle de vie du produit.

 

Comment introduire le changement ?

La méthode de l’éco-conception est une réponse en conduisant le producteur à changer de regard sur son mode de production. Elle peut s’appliquer à un produit ou un service nouveau ou existant. Cette méthode consiste à identifier les impacts du produit ou du service sur toute sa durée de vie pour ensuite les minimiser tout en maintenant une performance technique équivalente (Johansson et al., 2001; Maccioni et al., 2019). L’éco-conception peut être étendue à des approches services ou systèmes.

Contrairement aux approches standard de production, les concepteurs doivent considérer les étapes en amont de la fabrication comme la production de matières premières et l’énergie et aussi en aval de la mise sur le marché comme le transport, l’utilisation et la fin de vie du produit (https://www.eco-conception.fr ). Les concepteurs adoptent donc une vision multicritères et multi-étapes. Ces nouvelles perspectives amènent à des changements conséquents : allant d’améliorations dans la conception produit jusqu’à des modifications des relations avec les partenaires de l’entreprise.

 

Ainsi Altinnova, entreprise ligérienne spécialisée dans la conception et la fabrication d’équipements innovants pour les aménagements cyclables, a conçu un poste de gonflage manuel. Reconnaissable grâce à sa forme en roue de vélo, il est deux fois plus compacte, et plus léger (gain de 15%) que l’ancien modèle et ne nécessite plus d’alimentation électrique (soit un gain de 10 kWh par an). En fin de vie, les matériaux sont recyclables à 99%. Ils sont de plus facilement séparables pour une meilleure gestion vers les filières de recyclage.

 

En termes de collaboration, on citera deux exemples. Le premier, dans le cas de la filière de la fin de vie automobile, où Beulque et Aggeri (2015) observent une réorganisation de la filière afin de transformer un déchet en un nouveau produit correspondant aux attentes de nouveaux clients. Des partenariats sont développés entre acteurs de la fin de vie, mais aussi avec des parties prenantes plus éloignées telles que les compagnies d’assurance, éditeurs de logiciel, consommateurs de matières recyclées ou des pièces de réemploi, etc. On peut mentionner le cas des Établissements Cros, basés à̀ Echirolles (Isère) qui sous la pression de la demande de quelques clients ont fait évoluer leur offre d’air comprimé. Au lieu de vendre des machines, ils vendent uniquement des m3 d’air comprimé. De nouvelles coopérations avec les sous-traitants historiques, les clients mais également les assureurs se sont développées pour permettre la conception de cette nouvelle offre (Éclaira, 9, janvier 2018).

 

Et les performances économiques ?

L’entreprise doit a minima maintenir les profits associés au produit pour maintenir son activité. Or, plus de 90% des entreprises ayant développé un produit éco-conçu en Europe et au Canada déclare que l’effet sur les profits est nul ou positif selon une étude du Pole Eco-Conception en France et de l’Institut de Développement Produit à Montréal menée sur un échantillon de 119 entreprises.

 

Pour finir, on soulignera que la crise COVID suscite de nouvelles politiques publiques qui doivent non pas permettre une relance verte mais le lancement d’une économie verte fondée sur des innovations avec un impact minime sur l’environnement. Nous avons présenté l’éco-conception comme une solution pour sortir de l’impasse de notre modèle économique. C’est aussi une méthode qui permet de faire la transition vers une économie circulaire où la fin de vie du produit est remplacée par la réduction, la réutilisation ou le recyclage des matériaux dans les processus de production, de distribution et de consommation dans un objectif de soutenabilité (Kirchherr et al., 2017). Le dernier rapport publié par le GIEC en aout 2021 montre qu’il faut agir maintenant.    

 

Article écrit par Marie -France VERNIER, enseignante-chercheuse à l'ESDES Lyon Business School et membre de l'Institute of Sustainable Business and Organizations, Confluence: Sciences et Humanités - UCLY, ESDES

Partager ce post sur

Articles récents

Voir tous les articles