Céline Bos-Chamoux

4 min.

14 janvier 2021

L’enseignement supérieur est en pleine mutation. Quel est son devenir ? Les cours à distance vont-ils changer le contenu des enseignements ? Leur qualité ? Ou la nature même du métier d’enseignant ?

Les semaines passent comme les confinements, quelles seront les conséquences ? Il paraît que la crise sanitaire a accéléré la transformation du monde du travail avec le télétravail. La crise l’a surtout rendu inévitable. Il semblerait que ce soit le même débat pour la formation en école de commerce.

D’un coup d’un seul, le numérique a fait son entrée fracassante dans les écoles de commerce comme dans le reste de l’enseignement dit supérieur. Nous avons tous, enseignants de ces établissements, fait pivoter nos pratiques en face à face vers Zoom, Teams, Webex, Jitsi et autres outils de conférence en ligne avec plus ou moins d’efforts, de succès et d’inconfort en une semaine. En juin, nous disions tous que rien ne serait plus comme avant. Pourtant beaucoup ont repris leurs habitudes dès la rentrée comme si le printemps n’avait pas existé, comme s’il n’y aurait pas de 2e vague et pourtant en novembre certains ont dû à nouveau pivoter en 24H cette fois.

 

La transformation est profonde mais ce n’est que l’accélération de ce que Michel Serres mettait en avant dans la petite poucette : l’externalisation des savoirs (cloud) qui change la légitimité du transmettant et finalement la mutation de ce qu’il doit transmettre. Ainsi ce n’est pas seulement l’outil de transmission qui change mais le contenu, et donc au final la posture du formateur et celle attendue de l’apprenant se transforme. L’externalisation des savoirs est la grande transformation. Elle est à l’œuvre depuis l’invention de l’écriture, s’est accélérée avec le web et ne cesse de s’intensifier. Pourquoi apprendre par cœur ce que Google peut me dire en 2 clics et même en une question ? S’il y a des savoirs que nous devons maitriser (lire, compter, comportement) d’autres peuvent être laissés quelque part pour être utilisés à bon escient. Notre première mission serait donc de faire le tri puis de transmettre les bonnes pratiques à nos étudiants. Avec l’externalisation des savoirs, c’est la fin du professeur sachant, maîtrisant tous les aspects d’un domaine. Comme dans les organisations, la hiérarchie s’aplatit. Je ne suis pas au-dessus de mes étudiants, je les accompagne. Il s’agit de les mettre en mode apprentissage pour la vie, leur donner les moyens d’apprendre après l’école et non leur faire croire qu’une fois le diplôme en poche il n’y aura plus rien à apprendre.

Cette transformation et la distance posent la question de l’attention et de l’engagement. On avait compris avant la crise sanitaire que l’enjeu du monde numérique est de capter l’attention et d’obtenir l’engagement client. Et le drame que nous vivons aujourd’hui avec les télé-cours c’est justement la difficulté à maintenir l’attention et l’engagement de nos étudiants. Mais est-ce réellement un nouveau débat ? Combien de fois avons-nous entendu des collègues se plaindre du manque d’attention des apprenants dans la salle de classe ? du manque d’engagement, de la passivité des mêmes apprenants ? Les enseignants deviennent-ils les Community manager de leurs groupes d’apprenants ?

Les professeurs (dans l’enseignement supérieur) vont-ils disparaitre ? muter ? Comme dans la théorie de Darwin seuls les plus adaptés survivront. Quelles seraient leurs caractéristiques dans ce cas ? On pourrait imaginer les remplacer par des coachs en apprentissage ou des facilitateurs de savoirs. En anglais, c’est plus vendeur : learning coach, knowledge facilitator. Dans tous les cas, nous allons nous aussi muter parce que le monde change et donc les modalités et les contenus de formation doivent aussi changer. Cela ne change en rien le niveau d’excellence à atteindre bien au contraire. Il nous oblige à revenir à l’essence de l’enseignement supérieur permettre le développement de nos apprenants.


Exergue : « Ainsi ce n’est pas seulement l’outil de transmission qui change mais le contenu, et donc au final la posture du formateur et celle attendue de l’apprenant se transforme. »

Exergue : « Les professeurs vont-ils disparaitre ? muter ? Comme dans la théorie de Darwin ? On pourrait imaginer les remplacer par des coachs en apprentissage ou des facilitateurs de savoirs. En anglais, c’est plus vendeur : learning coach, knowledge facilitator ».

 

Écrit par Céline Bos Chamoux, enseignante et responsable du cycle master Management et Stratégie d'Entreprise de l'ESDES Lyon Business School.

Article publié dans Les Échos

 

 

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